La profession comptable est en train de vivre l’une des plus grandes transformations technologiques de son histoire. A travers le terme « digitalisation », on entend tous les processus numériques associés à la tenue des dossiers comptables. Les enjeux sont multiples et à l’heure où les fintechs avancent de plus en plus vite sur ce marché, les experts-comptables, historiquement implantés, doivent réagir rapidement tant que les atouts sont encore de leur côté.
La facture électronique et le format Factur-X vont certainement accélérer le processus, poussé par l’administration et sa quête de simplification dans la collecte et le contrôle de la TVA. C’est l’un des enjeux pour la profession et celle-ci doit s’emparer de ce sujet, à défaut de laisser la centralisation des factures à la DGFIP, à travers le portail Chorus Pro. Elle risquerait de perdre l’un de ses principaux leviers auprès de l’autorité et passerait surtout à côté de l’un des enjeux de la digitalisation : la centralisation et la gestion des données.
Les angles d’attaque sont multidirectionnels et on pourrait penser qu’en tant qu’éditeur historique de la profession, on vous parle essentiellement de technologie. Il n’en est rien et la technologie seule, avec un outil miracle, ne pourra rien pour vous.
Un ensemble de process
Il reste bien entendu important d’aborder dans un premier temps cette partie technique et logiciel. Il ne s’agit pas là d’avoir un seul outil, mais un ensemble de process qui traitera de bout en bout la comptabilité de vos clients. Dans ce cadre, plusieurs types d’approches sont possibles : soit vous optez pour une solution complète d’un éditeur, avec l’avantage de la cohérence de traitement et d’une ergonomie identique, soit vous choisissez plusieurs briques que vous essayez d’assembler. Grâce à ce dernier modèle, vous pourrez trouver à l’instant T, la solution la plus performante répondant le mieux à vos besoins. L’inconvénient est que malgré des interfaçages plus ou moins automatiques à travers des API ou Web Services, vous risquez de vous heurter à des différences d’ergonomie et des incohérences dans le système d’information. Même si ces liens, plébiscités à l’heure actuelle dans les argumentaires commerciaux, peuvent fonctionner, des procédures techniques subsistent et restent parfois loin des besoins produits qu’ont les utilisateurs.
Vous pouvez également choisir un mode hybride, qui répond à l’ensemble de vos besoins, à condition que les liens entre les éditeurs soient forts et agrémentés d’une véritable intelligence fonctionnelle. L’avantage de ce modèle est de pouvoir vous adapter à plusieurs segments de clientèle.
Dans tous les cas, vous allez devoir repenser la chaîne complète de traitement. La partie la plus en amont reste la collecte des informations. Votre système va devoir les traiter le plus naturellement et largement possible, afin de vous adapter à la multitude de cas existants à l’heure actuelle. Il vous faut collecter cette information via des smartphones, des collecteurs marchands qui récupèrent automatiquement les factures chez les fournisseurs, ou encore grâce à des interfaces en général web. Des liens techniques, comme la récupération de relevés bancaires, sont également à étudier pour couvrir un spectre complet. Dès lors, les outils à votre disposition vous aideront dans le traitement des données, de façon plus ou moins automatisée. Des systèmes robotisés existent déjà et sont capables de traiter de l’information sans intervention humaine, tant sur l’imputation des factures que des données bancaires. D’ici peu de temps, des processus de révision viendront compléter cette gestion, rendant possible la robotisation d’un grand nombre de dossiers simples dans leurs tâches les plus basiques.
Pour terminer cette partie produit, des consoles de supervision doivent être à disposition pour contrôler tous ces systèmes automatisés et alerter les collaborateurs en charge du suivi des dossiers. Des contrôles métiers plus poussés pourront également être effectués, voire des comparatifs de données en temps réel.
L’offre digitale : un véritable service
Toutes ces belles perspectives seront réduites à néant si l’accompagnement nécessaire à cette transformation du métier, n’est pas associé à de l’organisation au sein du cabinet grâce aux outils mis à sa disposition. Les écueils sont nombreux, à commencer par la résistance au changement de la part des clients, de vos collaborateurs mais également de certains experts. La résistance la plus forte au changement est très souvent en interne. C’est un chantier à part entière qu’il vous faut ouvrir à travers une réflexion globale. Beaucoup penseront que le changement ne les concerne pas, alors qu’il est partout et nous avons pu le constater en cette année si particulière, où tout s’est accéléré. Ceux qui n’auront pas su s’adapter, ne pourront pas suivre le rythme imposé par l’ensemble de ces transformations.
Depuis des décennies, une partie de la profession pense encore que le conseil va compenser la perte de chiffre due à la robotisation de la tenue. Malheureusement, force est de constater que le marché n’existe pas ou reste faible sur le portefeuille de clients des cabinets, principalement composé d’artisans ou de TPE. Il vous faut donc repenser le service que vous apportez à vos clients et quelle offre vous pouvez leur proposer. Elle devra être digitale, et ils devront la percevoir comme une véritable valeur ajoutée.
Cette offre est primordiale et doit être pensée avec différentes facettes. Elle doit rendre service à vos clients, vous aider dans les processus de digitalisation et être directement rentable pour vous. Alors que votre client ne paiera plus 1500€ par an pour la tenue comptable ou refusera une mission de conseil sur les mêmes bases tarifaires, il acceptera plus facilement 150€ par mois pour une prise en charge administrative de ses documents comptables. Finalement, vous serez rémunéré pour des missions qui faciliteront votre digitalisation, aideront les robots à mieux fonctionner et soulageront vos clients les plus récalcitrants dans ces processus.
Ne négligez pas non plus la restitution ou les aides que vous pouvez mettre à disposition de vos clients : note de frais, gestion des documents, suivi de compte ou tableaux de bord. Évitez de vous dire « mon client n’en a pas besoin ».
La réussite de votre digitalisation passera par des analyses sur la typologie de votre clientèle qui détermineront quels services proposer en adéquation avec les besoins de vos clients, mais également par l’évolution de vos collaborateurs actuels ou l’embauche de nouveaux profils, qui prendront en charge toute la mise en œuvre de votre digitalisation.
- Éric CHOTEAU-LAURENT, Président ACD Groupe et Jérôme CLARYSSE, Président RCA – Membres fondateurs du Village Connecté.